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Info
Neuve Invention, publication de la collection de l'Art Brut, Lausanne 1988
Les dames pizza, publication de l"Espace Jean Tinguely en l'honneur de la rétrospective Carol Bailly, 2009 - 2010
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Bio
Carol Bailly, née d'un père américain et d'une suissesse, voit le jour un premier août à Brockton, non loin de Boston, en pleine campagne; peut-être sur un air d'accordéon, entre une bouteille de Lavaux et un plateau de fromages décoré de petits drapeaux rouges à croix blanche. Agée de quinze ans, elle fait la connaissance de sa deuxième patrie, la Suisse, et s'établit avec ses parents au bord du lac de Bienne, où elle est bien obligée de se mettre à apprendre le français. Travaillant pendant quelques années comme aide médicale, elle termine sa carrière pré-artistique comme télexiste à Lausanne et finira par échouer sur les bords de la Sarine, en pleine capitale « bolze » Son premier acte de création se résume par de petites histoires, racontées au fil du trait d'encre et des crayons de couleur, sortes de comptines dédiées à son petit bout de chou.
Dès le début de son parcours artistique, les physiques de « ses dames » prennent une forme bien déterminée : têtes énormes et disproportionnées par rapport aux corps, en allure de guitares ou de poires avec des visages soulignés par des yeux en amandes et d'immenses lèvres pulpeuses aux couleurs criardes, surmontés de « choucroutes » capillaires qui ont, à elles seules, valeur d'encyclopédie universelle de la coiffure. Un univers très personnel, dense et coloré, proche du dessin d'enfant et qui pourrait être, à tort, taxé de naïf. Chacun de ses dessins renferme une histoire de femme ; parfois humoristique, sarcastique, ou même tragique, une transcription picturale des banalités quotidiennes, un univers où se côtoient envies, trahisons et jalousies, revanches perfides ou chausse-trappes mesquines, petits bobos à l'âme, vite oubliés pour d'autres historiettes encore plus croquantes.
Un vrai monde « de nanas », sorte de microcosme des problématiques typiquement féminines, mélangeant allègrement les icônes des plus grandes «bombes sexuelles» du show-biz, à celui de femmes ayant marqué l'Histoire avec un grand H ou bien plus terre à terre, les démêlées de la petite vieille du voisinage avec la caissière du supermarché du quartier.
Histoires de projections ou d'identifications, d'interrogations existentielles ou bassement matérielles, de rêves fabuleux ou simples tentatives de décryptage des réalités quotidiennes, Carol Bailly dessine son univers comme elle parle ; en toute simplicité et sans aucune prétention. Sorte de psychiatre travestie en esthéticienne, elle se transforme en chroniqueuse picturale d'une époque plus préoccupée par le paraître que par l'être. Une artiste qui sait tisser sa toile avec la patience et la minutie d'une araignée.
Michel Thévoz, ancien directeur du Musée de l'Art Brut de Lausanne, ne s'était pas trompé, puisqu'il l'a intégrée, déjà en 1987, à la collection « Neuve Invention » de son institution. On salue en elle une artiste intègre et talentueuse, qui veut et sait travailler hors des sentiers battus par les modes, mais qui, comme Aloise ou Niki de St Phalle, perpétue avec génie la tradition des « grandes dames » de l'art.L’Espace Jean Tinguely – Nikki de St Phalle lui consacre en 2009 et 2010 une rétrospective ainsi qu’un catalogue. (Objectif réussir)